Choral : De La Basse Chiffrée à L’Improvisation

Article paru dans le « Bon tuyau », périodique de l’Aforgep (Association pour la Formation des Organistes des Eglises Protestantes).
Auteur : Jean-Marie CHARLES (directeur adjoint de l’Aforgep 2006-2008).

 

Fondement de la musique baroque, la basse chiffrée était un élément clé de l’enseignement musical aux 17ième & 18ième siècles. On sait que Bach initiait ses élèves par des « basses & dessus » leur laissant le soin de trouver les voix manquantes, pour acquérir ainsi les bons réflexes. La tablature de Weimar offre également un bel exemple pédagogique en la matière. Aux chorals chiffrés par les élèves de Johann Pachelbel s’ajoutent des fugues ou plus exactement des variations fuguées, enrichissant ainsi le genre.

Observons aujourd’hui, comment tirer parti de ces harmonisations de chorals pour faire un premier pas vers l’improvisation.

Choral « Herzlich thut mich verlangen »

(Cliquez chaque image pour agrandir)

Réalisation:

La manière la plus simple de jouer cette réalisation est de prendre la basse à la main gauche et les trois autres voix à la main droite.

En changeant simplement de position d’accord (5te, 3ce ou 8ve), il est possible d’improviser une première variation :

 

Voici un deuxième exemple de variation manualiter:

 

Une première étape consiste à donner un mouvement de croches en alternant ténor et alto. Puis la main gauche jouera la basse en octaves répétées. Sur un même modèle harmonique, trois plans rythmiques distincts vont s’animer autour de la mélodie du choral Particulièrement adaptée à un mélange creux, cette variation sonnera aussi très bien sur un 4 pieds et tremblant.

Le choral noté en basse chiffré se prête particulièrement bien à l’échange des voix. Tout en gardant la même harmonisation, il est possible d’en varier la présentation.

La main droite jouera le choral sur un jeu solo, la main gauche l’alto et le ténor sur 8 et 4 (par exemple), la basse sera jouée à la pédale en 16 et 8:

 

Cette présentation, dite choraliter va nous permettre d’orner le soprano, comme cela se faisait couramment à l’époque:

 

En jouant le choral une octave au-dessous, tout en gardant la même distribution, il pourra sonner au ténor :

 

Le choral en taille se prêtera très bien, lui aussi, à l’ornementation:

 

Un simple fugato à 2 voix pourra introduire le choral en diminution :

Jouons-le maintenant en taille à la pédale :

 

L’harmonisation ne varie pas, seule change la distribution des voix Là encore, un court épisode en imitations pourra servir d’introduction :

 

Une autre manière consiste à prendre le choral à la basse et de l’harmoniser comme une basse chiffrée (lorsque celui-ci s’y prête):

 

Sa réalisation à 4 voix :

 

Cette disposition permet aux mains d’évoluer plus librement et l’éventail des possibilités est très large:

Le choral noté en basse chiffrée et dessus représente le matériau de base idéal pour s’initier à l’improvisation. Il va par exemple permettre d’exposer le cantus firmus au ténor sans qu’il soit nécessaire de modifier les voix d’accompagnement (à de rares exceptions près). Ceci devient impossible avec une harmonisation pour chœurs mixtes (bien plus fréquente dans les livres d’accompagnement) où les voix sont réparties à distances égales.

En exploitant une même harmonisation, grâce à des distributions et des échanges de voix variés, les contraintes stylistiques ne sont plus ce mur infranchissable qui rebute souvent le néophyte.

D’autres disciplines sont essentielles à l’improvisation sur choral, telles que la figuration, ou la fugue mais l’harmonisation est la base de tout.

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